Jeux d'enfants 2.0

Quand on cherche “jeux en ligne” sur Google (le 24/04/20), en troisième proposition on a “jeux en ligne confinement”.

Marion Cotillard et Guillaume Canet n’ont qu’à bien se tenir, leurs jeux d’enfants, dangereux dans le film, ne seraient pas possibles sur internet. Faute de contact ! Mais les jeux auxquels nous jouions dans les cours d’école, alors que nous n’avions pas encore de téléphone portable, sont remis au goût du jour pendant le confinement !

Nous avons tous changé nos habitudes pour occuper notre temps libre, compenser le manque d’activité et de nos proches. Et comme j’adore parler de remédiation, j’ai voulu parler aujourd’hui de l’essor des jeux d’enfants en ligne. A priori, tout les oppose au web 2.0 : ils sont concrets, papiers, cartons, bois. Mais le numérique semble pouvoir tout reproduire.

Les jeux de société reviennent en force

Symboliquement, les jeux de société représentent un moment en famille. Ils nous ramènent à notre enfance et à ces dimanches calmes et sereins. Ces dimanches où notre plus grand soucis était de gagner la partie de Monopoly. Or, on a besoin de cette tendresse liée à l’enfance pour se rassurer vis à vis de l’ambiance angoissante qui règne dans les médias.

On associe ces jeux de société à nos parents ou à nos grands-parents, qu’on avait un peu oublié dans notre univers super connecté. Mais voilà qu’on se retrouve isolé et qu’on a besoin de renouer le lien avec nos proches. Que ce soient nos camarades de classe ou notre grand-mère, on veut garder contact et rester soudés face à la solitude. Le scrabble avec mamie redevient à la mode, mais version 2.0.

Malgré la liste des choses à faire à domicile et en autonomie (cuisine, séance de sport, binge watching, réseaux sociaux), on traverse le confinement ensemble car il est commun à tous. La “solidarité”, chère à notre devise, a rarement fait autant sens. Alors à distance, nous sommes solidaires et combattons l’ennui ensemble, grâce notamment aux jeux en ligne !

(Capture Google, 24/04/2020)

Et pourquoi les jeux de société percent-ils ?

Comme je l’ai déjà dit, ils nous rappellent notre enfance et résonne avec cette nostalgie qui s’empare de nous alors que nous regrettons tous nos sorties pré-confinement. On se rappelle des choses simples et on ne demande qu’une chose : retrouver notre vie d’avant.

Mais certains jeux sont largement en tête ! Qui n’a pas joué au petit bac ou au loup garou depuis le début du confinement ? Pictionary, Limite-Limite, Uno… Des jeux simples et qui permettent de jouer à beaucoup de joueurs ! Comme ça, toute la famille ou tout le groupe d’amis peut participer ! Ces jeux sont extrêmement simples, sans réelle stratégie ; universels. Ils ne nécessitent pas un logiciel ou un ordinateur dernier cri et sont trouvables facilement en ligne, sur PC, tablette ou téléphone ; accessibles. Et gratuits ! La seule règle : s’amuser sans trop réfléchir ! Quoi de mieux pour se changer les idées quand on n’a tout le reste de son temps pour cogiter et se prendre la tête ?

Une personne isolée peut rejoindre un groupe qu’elle ne connaît pas tandis que des frères et soeurs vivants sous le même toit peuvent y jouer chacun sur leur ordinateur. Il n’y a pas de règles et le numérique, si facile, semble nous faire oublier les bienfaits du papier.

Mais surtout, en tant qu’être social, nous avons besoin de rester connectés avec nos proches. Or, qu’avons-nous à nous raconter ? Les journées se ressemblent et les sujets de conversation commencent à manquer. Quoi de neuf ? Rien, justement. Alors, au-delà de leurs vertus divertissantes, les jeux de société en ligne permettent d’animer la discussion et de créer du lien autrement. Cela me rappelle les soirées étudiantes, pour briser la glace, on sort nos meilleurs jeux de cartes. Les jeux mettent tout le monde d’accord car ils brisent les silences. Ils comblent nos échanges et facilitent nos retrouvailles.

Les jeux de société s’opposent généralement aux jeux vidéos, qui se jouent seuls ou en ligne, car ils sont vrais, en papier ou en bois, et rassemblent autour d’une tableau ou d’un plateau. Cependant, d’autres paradoxes émergent avec les jeux vidéos pendant le confinement !

Jeux vidéos : entre paradoxes et parallèles.

Les jeux vidéos ne sont pas en reste et connaissent un véritable BOOM pendant le confinement. Ils font partie de ces secteurs qui profitent de la situation car leur service est justement accessible #alamaison. Les fabricants de jeux vidéo ont vu leurs ventes augmenter de 140% en France dans les jours qui ont suivi le confinement.

En tête, on retrouve deux jeux vidéos que tout oppose, tant dans l’intention que dans le graphisme. Plague Inc, un jeu vidéo de simulation apocalyptique qui fait le parallèle avec la situation actuelle et qui nécessite une part importante de stratégie tout au long du jeu. De l’autre côté, Animal Crossing, qui est un jeu de simulation de vie au design très coloré et mignon avec d’adorables animaux dans le quartier. Si le premier est plus dur et plus proche de la réalité, le second permet au contraire d’échapper au quotidien en se créant une vie parallèle dans un monde fantastique. Le premier se place du côté du virus car le but est d’éradiquer la race humaine tandis que le second a pour seul objectif de vivre une vie paisible. L’un s’empare du virus, l’autre tente de l’oublier. Les deux peuvent se jouer en solo ou en multijoueur, mais ils restent des jeux plutôt solitaires, contrairement aux jeux de société.

(Le monde fantastique d’Animal Crossing, New Horizons)

Paradoxe : des diversions dans les aspirations sociétales

Si d’aucuns attendent du confinement un retour à la proximité, au local et à la nature - on voit des reportages à la télévision sur ceux qui vivent autrement, ceux qui ont fait le choix de l’autarcie et de l’indépendance énergétique. On entend parler de manger mieux, de se satisfaire des choses essentielles et d’arrêter la surconsommation.

D’un autre côté, on voit que les gagnants économiques de la situation restent les mêmes à savoir les GAFAN car leur fonctionnement, international et via internet, correspond parfaitement au mode de vie actuel. Ainsi, qui ne connaît pas au moins une personne qui a commandé la nintendo switch sur Amazon ? Qui ne connaît personne s’étant fait livrer de nouveaux vêtements ?

Si on fait des économies et qu’on se contente du nécessaire mais surtout de l’accessible pendant le confinement, les multinationales n’ont pas l’air prêtes de laisser la place aux artisans locaux qui ont tout de suite été mis en difficulté de part leur petite taille.

Pendant le confinement, on va plus avoir tendance à acheter les Sims 4 en ligne plutôt que prendre le risque de se faire livrer. Bien que les jeux en question soient un retour aux sources, leur format est un pas de plus vers le virtuel et la technologie.

On pourrait d’ailleurs se demander si nous n’allons pas prendre un certain plaisir à jouer en ligne avec nos proches. Pas besoin de narrateur pour le loup-garou. Pas besoin de cartes... Mais je ne tomberais pas dans ce schéma là. On critique souvent les réseaux sociaux en disant qu’ils nous éloignent plus qu’ils nous rapprochent. Ils nous isolent dans des bulles et nous permettent de parler à des centaines de personnes sans quitter les WC. Mais aujourd’hui, on se rend bien compte qu’ils ont de grands atouts et qu’ils permettent de garder le lien. Tout comme les classes vidées de leurs élèves manquent aux professeurs qui font leurs cours à distance, je pense que nous avons tous hâte de boire une bière entre amis et d’utiliser du papier pour jouer au petit bac ou au pendu ! En espérant que ces jeux ne nous rappellent pas une mauvaise période mais plutôt à quel point nos proches comptent dans nos vies et qu’il faut les garder près de soi.