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Les zombies du métro

  • Photo du rédacteur: Marie Davy
    Marie Davy
  • 23 févr. 2019
  • 3 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 mars 2019

La vie est une danse. Nous suivons la chorégraphie comme par enchantement. Comme Birdwhistell l’a observé dans la scène de la cigarette, nous agissons inconsciemment de manière coordonnée avec les autres. Je l’ai pleinement ressentie les matins où je traversais le hall de la station Saint-Lazare, à Paris. Ce ballet -malgré son manque d'élégance- prend place chaque fois qu’un nouveau métro entre en gare. Des individus issus de multiples tunnels se croisent au niveau d’un hall circulaire et savent quel chemin emprunter sans jamais se heurter. Les uns se glissent sur la droite pour laisser passer ceux qui tourneront à gauche. Chacun sait où aller. Chacun dispose de son itinéraire, chaque danseur connaît sa partition. Ces marées humaines créent un mouvement plus ou moins fluide et ne font plus qu’un, malgré eux.



Leurs visages sont blêmes. On les pardonne, il est 8h le matin. Les cernes n’ont pas quitté les visages. Les lèvres tombent. Morphée a gardé la main mise sur eux. Ils ne quitteront pas leur lit tant qu’ils ne seront pas derrière leur bureau. Le métro, c’est du temps en plus, du répit.


Mais si j’écris cet article, c’est que j’aime observer les autres dans le métro. J’appelle l’effet zombie tous ces visages qui tombent et ces yeux absorbés par la lumière bleue du téléphone. Parfois, pas un ne lève la tête. Et je me pose les questions suivantes : Font-ils réellement quelque chose d’intéressant ? Comme regarder les news par exemple ? Ou bien sont-ils scotchés à un jeu ou aux réseaux sociaux dans l’espoir de laisser filer le temps ? Yves Citton parlait d'économie de l’attention. Quand je vois tous ces visages absorbés, ces yeux captivés, je me demande à quel organisme ils vendent leur âme.


A force, je devenais mal à l’aise quand je sortais mon téléphone portable. Je ne le gardais jamais longtemps pour ne pas avoir l’air d’un zombie dépossédé. Puis j’ai réfléchi (pour changer), et voilà l’opinion que je me suis faite... N’importe quel rabat-joie dirait de ces gens-là qu’ils n’ont pas de cervelle et qu’ils perdent leur temps. Mais non ! L'homme qui se divertit en a peut-être besoin pour affronter sa journée de travail ? Et puis, si nous n’étions pas sur nos téléphones, cela changerait-il véritablement notre expérience dans les transports ? D’aucuns regrettent qu’il n’y ai pas d’échanges dans le métro, du moins d’échanges de regards. Mais avant l’émergence des smartphones, les gens se parlaient-ils davantage ? Comme je l’ai dit plus tôt, je pense que le trajet est un moment de répit pour la plupart des gens. Toute la journée, ils vont devoir se sociabiliser, garder la face. Pendant le trajet, leur cerveau est libre de faire une pause.


Plusieurs fois, j’ai pensé qu’on pourrait moderniser les rames, installer des bibliothèques ou des mini-bars. Quand j’étais plus jeune, la rêveuse que j’étais voulait créer un monde où tout le monde s’entendrait à merveille, où l’on échangerait sans cesse et où l’on apprendrait des autres. Mais cela (en plus d’être une drôle d’utopie) demande beaucoup d’énergie. On a besoin de se garder du temps pour Rien. D’autant plus au sein des grandes villes où nous sommes confrontés sans cesse à des centaines de stimulus, notamment les larges affiches publicitaires qui décorent les stations du métro. Ainsi, je ne blâme pas ceux qui collent leurs paupières aux écrans. D’ailleurs, bien que meilleur pour la vue, ceux qui lisent des bouquins ne sont pas plus sociables. Chacun vit sa vie et l’important, c’est qu’on soit solidaires en cas de besoin. Malgré l’absence de regards, on sait que les autres sont là, dans ce ballet infernal.

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©2018 by Marie Davy

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