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Netflix : vers un despotisme culturel ?

  • Photo du rédacteur: Marie Davy
    Marie Davy
  • 9 févr. 2019
  • 4 min de lecture

Dernière mise à jour : 8 mars 2019

Comme vous le savez, j’aborde sur ce blog des sujets qui me font réfléchir au quotidien. Je m’intéresse aujourd’hui à Netflix, la plateforme qui fait partie intégrante de nos pratiques culturelles au quotidien. Comment Netflix a-t-il imposé son despotisme culturel ? En quoi participe-t-il à l’uniformisation des goûts ? Comment modifie-t-il la relation oeuvre/auteur ?



S’il n’est plus nécessaire de rappeler le succès de Netflix, voici quelques chiffres essentiels : plus de 130 millions de personnes dans le monde utilisent la plateforme, ce qui donne une idée de son influence aujourd'hui. Bien que réputé pour la variété de ses programmes, ces derniers semblent toutefois limités par rapport au nombre d’utilisateurs.

En effet, Netflix ne dispose pas de tous les programmes et propose des contenus triés selon les alliances commerciales. Ainsi, de nombreux films et séries ne sont pas accessibles depuis l’application. Or, j’ai remarqué, et je ne pense malheureusement pas être la seule, une tendance de ma part à ne plus chercher de nouveaux contenus ailleurs que sur Netflix. Par fainéantise, j’ai peu à peu abandonné les sites de streaming pour me contenter des contenus Netflix. Gain de temps, facilité d’utilisation, antivirus : le combo parfait dans une société où tout va très vite et dans laquelle règnent lois de l'ergonomie et de l'esthétisme.

Ainsi, cette plateforme révolutionnaire d’accès illimité à un grand nombre de contenus m’a finalement privée indirectement d’une infinité de contenus. Parfois, j'ai préféré regarder passivement un contenu qui ne me stimulait pas plutôt que de chercher meilleur ailleurs. Sans oublier qu’il y a aussi la dimension économique qui entre en jeu. Il faut rentabiliser Netflix, contrairement aux sites de streaming. Sinon, à quoi bon payer pour cette qualité du service proposé alors que d’autres sites proposent les mêmes films ? OK, c'est pas cher, mais ça reste symbolique.

Netflix, par son concept aguicheur, a réduit ma bibliothèque culturelle et continue de le faire. Bien que je me détache de nouveau de l’application pour chercher mes propres contenus, je suis attachée à Netflix et à ses séries. Les séries sont de bonne qualité et modernes. Elles parlent de notre temps. Leur mode de production, rapide, leur permet d'aborder des sujets d'actualité et de transmettre des messages positifs qui font réfléchir. Par exemple, 13 reasons why dénonçait le harcèlement scolaire dans le secondaire.


De plus, l'effet de groupe sur les réseaux sociaux accentue la propagation d'une série en haut du podium. La promotion réalisée par Netflix est exemplaire et aucun millenials connecté ne peut passer à côté de la sortie d’une nouvelle série. Des groupes de discussions se créent et les internautes sont pris malgré eux dans la spirale, embarqué par ce vent puissant. Je pense notamment à la série Casa de Papel. Au début, je ne n’avais pas particulièrement envie de la regarder. Mais on en parlait partout. Sur Facebook, Instagram, à la télévision, dans les couloirs de l’université... Des parodies faisaient le buzz sur Youtube et l’engouement était incontournable. Une véritable tornade ! Je me suis laissée emporter. Et j’ai adoré ! Car ils savent créer des contenus qualitatifs, originaux, dynamiques et qui rendent accro ! Alors je me dis que ça vaut peut-être la peine. Refouler ces programmes seulement parce qu’ils plaisent "aux masses" ne seraient pas plus pertinent. Qui serais-je pour estimer que je vaux mieux que les autres ? Les propositions trop universelles perdent parfois de leur charme. Mais l'universalité : oeuvre impersonnelle ou bien une oeuvre unanime et accomplie ?


La nouvelle limite, d’un point de vue artistique, de Netflix, semble être le fait que la plateforme ne fasse plus seulement de la diffusion mais de la production. C’est une véritable usine à contenus. On produit des séries comme on ferait du papier. Il ne s’agit plus d’un artiste qui propose une oeuvre mais d’une entreprise qui commande une oeuvre. Cette démarche paraît être une stratégie pertinente quand on sait que plusieurs producteurs retirent leurs films de Netflix comme Disney, et que d’autres médias souhaitent créer leur propre plateforme comme M6, France Télévisions et TF1 avec le futur lancement de Salto. Dans une logique de développement commercial, Netflix anticipe face à la concurrence. Et ils le font plutôt bien ! A toutes les filles que j’ai aimé a fait fondre le cœur de nombreuses spectatrices grâce au beau Noah Centineo ! Mais la question que je me pose est la suivante : cette pratique n’est-elle pas dangereuse pour le 7ieme art ? Si Netflix continue de développer son quasi-monopole en termes de diffusion numérique, on peut se demander s’il restera de la place pour les autres productions audiovisuelles ?

D’autant plus que leurs créations originales laissent de moins en moins de place à la subjectivité de l’artiste. Pareillement à d’autres domaines, il faut plaire au consommateur. C’est d’ailleurs l’exemple suivant qui m’a motivé dans l’écriture de cet article. J’étais en cours de communication culturelle à l’égard des nouvelles technologies quand le professeur nous a parlé de Bright. Il s’agit d’un film Netflix scrupuleusement créé pour plaire au plus grand nombre. D’après les statistiques des utilisateurs, ils ont découvert un pic d’audience pour le genre policier et un pic d’audience pour le fantastique. Afin d'obtenir l'audience maximale, ils ont combiné les deux genres afin d’attirer ces deux publics.

Selon moi, ce n’est plus l’œuvre d’art qui trouve de l’écho parmi le public mais le public qui trouve de l’écho dans la production.

Nous avançons dans l'ère des industries culturelles, ce qui signifie que la finalité de l'art est marchande. Adorno et Horkheimer dénoncent la standardisation des œuvres artistiques avec notamment la "dictature du scénario" (un film doit être narré de telle manière, avec un rebondissement à tel moment, durer tant de temps) et la perte d'authenticité (une oeuvre d'art n'est plus unique, on la multiplie à l'infini, c'est notamment le cas de la musique via les CD ou les sites de streaming). L'art serait une industrie au même titre que l'industrie agricole ou pharmaceutique : une usine à produire et à faire de l'argent. Mais ce qui m'intéresse, c'est surtout le lien entre une oeuvre et son auteur. Si tout ce que j'énonce depuis le début de l'article se vérifie, cela signifie qu'il y a une perte de subjectivité de l'auteur. Ce dernier crée des contenus pour plaire. L'auteur quitte son habit d'artiste et devient l'artisan des désirs d'autrui.

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