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Policiers VS criminels : quelle figure du héros à la télévision ?

  • Photo du rédacteur: Marie Davy
    Marie Davy
  • 21 avr. 2020
  • 6 min de lecture

Les programmes télé en raffolent, le genre des séries policières cartonne. Pourtant, rares sont ceux qui se vantent d’être fan de la police, et rares sont les jeunes qui en regardent régulièrement (trop “ménagère de moins de 50 ans” ?). Dans cet article, je vais commencer par m’intéresser aux séries policières avant de mettre en lumière le paradoxe de l’homme et sa passion pour le crime. Et les criminels en tout genre...


Mais alors, pourquoi y-a-t-il autant de séries policières et de romans policiers qui circulent ? Pourquoi ce type de créations semble avoir trouvé la recette idéale pour conquérir le plus grand nombre ?

Pour ma part, j’ai arrêté les séries policières il y a un moment. Toujours la même histoire, deux flics dont la relation est complexe, un coup ils se détestent, puis ils se cherchent, se chamaillent, couchent ensemble et se marient saison 10. Chaque épisode : une nouvelle enquête. Des mécanismes qui se reproduisent. Le public confirmé trouve le coupable en moins de dix minutes. Mais il faut tout de même une heure aux policiers.


Au même titre que les séries dans les hôpitaux (Grey’s Anatomy étant le meilleur exemple et Good Doctor très prometteur), ce sont des fictions qui vont pouvoir s’écouler sur de nombreuses saisons. Pourquoi ? Tout simplement car la trame le permet. Chaque épisode égale un crime ou une problématique médicale. La vie des personnages, auxquels les téléspectateurs s’attachent, ne représente qu’une partie minime de chaque épisode. Du coup, pas étonnant que ça se déroule sur plusieurs années. La trame des scénarios peut se tirer à l’infini. Chaque intrigue est indépendante, si on rate un épisode, ce n’est pas grave.


De plus, pour être sûre d’atteindre ses objectifs en terme d’audience et tenir ses promesses auprès des annonceurs, une chaîne ne peut pas prendre de risques comme c’est le cas du cinéma. En effet, la chaîne doit être en mesure de quantifier son audience avant même la diffusion. Pour cela, il faut utiliser un genre qui fonctionne à coup sûr. Les téléspectateurs savent à quoi s’attendre. Désireux de se détendre, ils sont assurés de ne pas être déçus. Le genre policier est une structure parfaitement rodée et déclinable à volonté.


Le service public : héros contemporain de la télé’ ?


Au-delà du fait qu’ils ne peuvent pas nous distribuer d’amendes à travers l’écran de télévision, pourquoi les policiers sont-ils les héros de la plupart des séries sur le câble alors qu’on entend généralement parler de haine policière et qu’ils sont souvent remis en question, notamment à propos des violences policières ?


Déjà, il faut faire la distinction entre les policiers qui vous mettent des amendes parce que vous êtes mal garés ou parce que vous avez grillé un feu rouge (va falloir relire le code Jimmy), ceux qui se rendent sur une manifestation pour surveiller et s’assurer que ça ne dérape pas, de ceux qui mènent l’enquête, et qui sont bien moins nombreux en vérité. Car c’est bien la brigade criminelle - ou la crim’ - qu’on suit durant leurs enquêtes, plus cinglantes les unes que les autres. Combien de personnes connaissent vraiment des enquêteurs de police ? Je vous le demande.


Quand on sait qu’ils étaient seulement 120 hommes à travailler à la crim’ au quai des Orfèvres, on comprend tout de suite mieux la figure du héros. Ils sont peu et la rareté du métier en fait des personnes à part et courageuses.

D’ailleurs, les héros portent toujours une cape - ben oui, vous voyez bien la dégaine de Super et Spiderman - et les policiers sont reconnaissables à leur uniforme, au même titre que les infirmiers (coucou Grey’s Anatomy) et les pompiers. J’ai toujours trouvé marrant de voir que dans les séries pour ados comme Teen Wolf, les parents des protagonistes fassent toujours partie de ces corps de métier. D’ailleurs, c’est bien pratique d’avoir une mère qui travaille à l’hôpital et un père dans la police quand on se bat avec des monstres (ben oui !). Mais ce sont surtout des métiers du secteur primaire et au service de la communauté, facilement identifiables et universels car connus de tous. De plus, ils sont faciles à mettre en scène, de par la tenue (moins de boulot pour les costumiers) et l’action engagée par leur métier. En effet, ce serait plus fade en termes de scénario de suivre un comptable (pardon maman).


Souvent, nos héros policiers ne portent d’ailleurs pas de tenues de policiers, car ils n’agissent pas auprès des civils et ont un statut particulier en tant qu’enquêteur. Mais dans le décor, on voit des figurants en uniformes, des collègues qui circulent, qui délimitent la zone du crime. Des éléments esthétiques comme la tenue apportent des informations sur le corp de métiers.

Elite (Netflix)

Enfin, les séries non policières, c’est à dire qui ne suivent pas la “structure parfaitement rodée” avec un crime par épisode et une équipe de policiers qu’on suit, ont très souvent un policier et/ou une enquête en cours. Je pense notamment à Elite, où une enquête se poursuit tout au long de la saison comme un fil conducteur au milieu des lycéens. Ou bien Casa de Papel, qui suit deux équipes : les voleurs VS les policiers. Dernièrement, la série Why Women Kill nécessite elle aussi l’intervention de la police (tout est dans le nom). Il semble difficile de suivre une série sans qu’il n’y ait un policier. Pourtant, dans la vie de tous les jours, rares sont ceux qui ont affaire à des enquêtes criminelles… D’où l’aspect divertissant de ces fictions où enquêtes et crimes riment avec aventure et exceptionnel.


Mais sont-ils les véritables héros ?


Déjà en évoquant Casa de papel, on a la puce à l’oreille, car les héros, ce ne sont pas les policiers mais les criminels, bien que la figure du héros soit ambiguë et qu’on suive les deux. L’équipe du professeur au masque de Dali est érigée en héros de par sa stratégie impressionnante et des personnages attachants aux histoires complexes, mais aussi de par leur attitude de Robin de bois envers le peuple espagnol.

Dans le même style, la série Orange is the new black prend place directement au sein d’une prison et les protagonistes sont des femmes incarcérées. Le personnage détestable au début de la série ? Joe Caputo, chef des gardiens de prison, et donc figure d’autorité. Le personnel carcéral, plus proche du héros au sens propre du terme, n’est pas le héros dans la série : ce sont les criminels.


Mais surtout, je pense qu’au delà des policiers, ce sont les crimes qui intéressent les personnes. N’oublions pas le ça de Freud, n’est-ce pas ? On aurait tous en nous une certaine pulsion que les normes sociales réduisent à néant. Dans les journaux, les faits divers attirent souvent les lecteurs qui lisent avec frénésie les horreurs qui se passent dans la ville d’à côté. Il n’est pas rare d’avoir des échanges à propos de crimes improbables, comme on se racontait des histoires d’horreur enfants, mais avec l’adrénaline supplémentaire du réel. Plusieurs tueurs en série ont marqué l’histoire comme Charles Manson aux Etats-Unis et des séries s’inspirent de ses esprits machiavéliques comme Esprits criminels, justement. Plusieurs amis me disent être passionnés par le psyché de ces criminels et voudraient être criminologue comme dans Profilage. Tout le monde aimerait comprendre ce qui se passe dans leur cerveau. A quel moment décide-t-on de tuer ? Comment un homme peut-il être capable de tels actes envers un autre homme ? Est-ce que nous pouvons tous vriller ? Ou bien naissons-nous criminel ? Ces questions, certains s’emparent du sujet comme Victoria Charlton, une québécoise passionnée qui partage ses connaissances sur Youtube (merci Nolwenn pour le tuyau).


Ainsi, on peut se dire que les personnes regardent certaines séries avant tout pour découvrir de nouveaux crimes et de nouveaux criminels. Parfois en vue de savoir se comporter le jour où leurs chemins se croisent.


Face à cette passion commune qui anime le commun des mortels, comme si on remplissait inconsciemment le manque du pauvre ça à travers ces histoires, Netflix a sorti une série en 2017 qui a très bien marché autour du psyché des criminels, Mindhunter. A travers plusieurs entrevues, un agent du FBI interroge plusieurs tueurs en série afin de déterminer leurs profils. Alors oui, le héros de la série, le personnage qu’on suit, le gentil, c’est l’agent du FBI, mais l’est-il vraiment aux yeux du public ? Regardent-ils la série pour lui ? Non. Les spectateurs regardent la série à travers son regard afin de s’approprier les discussions et avoir l’impression d’approcher les criminels.

Si ces sujets vous intéressent, Netflix va plus loin en produisant des documentaires à propos de faits divers glaçants, à l’instar du petit Grégory ou du documentaire sur Amanda Knox, accusée de l’assassinat de sa colocataire avant d’être innocentée. Elle-même intervient dans le documentaire pour témoigner autour de cette sordide histoire. De même que l’on peut penser aux émissions comme Enquêtes criminelles (M6) ou Faites entrer l’accusé (France 2). Toutes les chaînes s’y sont mises !

Mindhunter (Netflix)

Que ce soit les policiers les héros ou bien les criminels, l’enquête reste au coeur de l’intrigue. D’ailleurs, ce format opposant les bons et les méchants connaissait déjà le succès au XXe siècle avec les Westerns américains, les bandits contre les shérifs pour protéger la ville. Les thrillers policiers seraient donc leurs successeurs, en accord avec nos sociétés contemporaines et nos nouvelles angoisses.


 
 
 

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